Aâma T2 (Peeters) – Gallimard – 17,25€

Parution : 10/2012

Verloc Nim, sur la planète primitive Ona(ji), continue la lecture de son journal. Il est toujours avec Churchill, au beau milieu de nulle part, et ses souvenirs lui reviennent pages après pages. Il se rappelle le convoi mené par Conrad et Churchill. Il se revoit au milieu du désert avec son couvre-chef qui lui donne l’allure et l’impression de traverser le mythique Far West sur son fidèle destrier, qui n’est en fait qu’un tripode appelé Ambulateur. Derrière lui, Myo, la jeune femme avec qui il a passé la nuit, créant une catastrophe diplomatique dans la colonie. Verloc Nim se revoit naïvement confier à Myo son passé avec sa compagne Silice, la manière dont il a pu la séduire avec ses livres désuets et son goût pour le passé et la connaissance. Il se remémore leur utopie incarnée par la petite Lilja, née sans assistance génétique, sans implants, à l’ancienne. Il ressent encore la douleur de cette mère technologiquement désarmée par l’autisme de leur enfant. Et puis la distance. Il se souvient également des contrées traversées en tripode et de la vie qui contamine extraordinairement cet écosystème primitif. Plus la petite troupe avance vers le lieu de libération de l’Aama, plus celle-ci devient luxuriante et dangereuse.
Un tome 2 qui accentue la narration en poupée russe. Le personnage central de Verloc, par l’entremise de son journal, complètement marginal dans cette époque d’ultraconnexion instantanée, effectue de nombreux flash-backs successifs dans son passé. Et c’est bien là le génie de Frederik Peeters qui place la quête de ce récit sur le plan introspectif. Là où la science fiction a pour habitude d’aller chercher vers la description sociétale, d’enthousiasmantes prouesses technologiques, d’effrayantes mutations génétiques et d’impressionnants bouleversements sociologiques autour d’un possible chaos post-apocalyptique, Peeters fait de même et bâtit un monde qui a su s’adapter grâce à la technologie, mais en s’appuyant sur un narrateur marginal, retors à la technologie, complètement accessible au lectorat de notre époque technologiquement primitif. C’est d’ailleurs la question centrale du temps qui est encore posée par l’auteur. Verloc est en retard par rapport à son époque mais humainement en avance sur les autres dans un environnement où la technologie n’a plus d’emprise. Bien qu’il brouille savamment les cartes, c’est ce qui semble être le parti-pris de Peeters et la particularité d’un album qui va sans doute faire couler beaucoup d’encre et déchainer les passions chez les amateurs de SF.
Il est encore un peu tôt pour affirmer que la série Aâma est la série de science-fiction du moment, mais il est certain que son auteur a su capter l’ensemble du sujet pour lui donner une consistance nouvelle, originale et parfaitement maîtrisée.

Alain Lamourette

Chronique du Tome 1



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